Le lotus (Nelumbo nucifera) est une fleur sacrée pour les bouddhistes. Ils lui prêtent de nombreuses vertus. Cette fleur est également importante dans d’autres religions venues d’Inde. Je me propose ici d’explorer les aspects religieux de cette espèce.
Le lettré chinois Zhou Dunyi (周敦頤 zhōu dūnyí, 1017-1073) était néo-confucianiste et avait la réputation de rejeter le bouddhisme. Il composa malgré tout un court texte intitulé « L’éloge du lotus » (愛蓮說 àiliánshuō) dont une phrase est restée extrêmement célèbre et est presque systématiquement citée en Chine lorsque l’on parle du lotus : « (seul le lotus a crédit à mes yeux, car) il naît de la vase sans en être souillé » (出淤泥而不染 chū yūní ér bùrǎn). Et c’est justement cette qualité du lotus, qui n’est souillé ni par la vase dans laquelle il naît, ni par l’eau trouble au-dessus de laquelle il pousse, qui est évoquée pour illustrer la pureté physique et morale du Bouddha.
Lorsque le bouddha historique, Siddhartha Gautama, naquit du flanc droit de sa mère, en 623 ou 563 avant notre ère, il sut marcher dès sa naissance et fit d’abord sept pas. À chacun de ses pas, une fleur de lotus s’épanouît sous ses pieds. Il faut noter que parmi les huit symboles de bon augure que les devas offrirent au Bouddha se trouvait la fleur de lotus.
Le Ratnameghasūtra, ou « Sūtra du nuage de joyaux », qui date du IIIe ou du IVe siècle avant notre ère, compare dix qualités du lotus aux vertus du Bouddha. Mais à la lecture du texte, on se rend compte que le mot « lotus » (en chinois 蓮 lián, en khmer ឈូក chhuk) semble désigner diverses espèces : il y est par exemple question, ainsi que dans d’autres sūtras, de l’utpala, nom sanskrit du lotus bleu d’Egypte (Nymphaea caerulea, 藍睡蓮 lánshuìlián, en khmer ផ្ការំចង់ phka rum-châng), qui est une nymphéacée.
La fleur constitue aussi ce que l’on appelle le « trône de lotus » (蓮花寶座 liánhuā bǎozuò, បល្ល័ង្កផ្កាឈូក pallâng phka chhuk), sur lequel Siddhartha Gautama est souvent représenté assis (c’est assis sur une fleur de lotus que le Bouddha parvint à l’illumination). D’autres bouddhas sont aussi souvent assis sur le trône de lotus, tels que Maitreya (le bouddha du futur), Amithaba ou encore Avalokiteshvara (le bouddha de la compassion).
Le lotus et le trône de lotus sont encore les attributs de diverses divinités hindoues. Gasenha, le dieu à tête d’éléphant par exemple, est souvent représenté avec une fleur de lotus à la main, ou assis sur un trône de lotus.
Associé aux diverses divinités hindoues, le trône de lotus est le symbole de l’intelligence et de la sagesse. Parmi les autres divinités souvent représentées assises sur le trône de lotus ou tenant une fleur de lotus à la main, citons : Vishnu, Shiva, Kali, ou encore Lakshimi.
Ci-dessous, ma traduction de « L’éloge du Lotus » de Zhou Dunyi :
Parmi les fleurs, arbres et végétaux, terrestres ou aquatiques, nombreux sont ceux qui méritent d’être aimés. Tao Yuanming, de l’époque de la dynastie des Jin, réservait sa préférence au chrysanthème. Depuis l’époque des Tang du clan des Li, c’est à la pivoine que va la faveur du plus grand nombre. Quant à moi, seul le lotus a crédit à mes yeux, car il naît de la vase sans en être souillé, il est baigné par l’onde claire sans en tirer orgueil. Sa tige est vide et droite, il n’a ni rameaux ni branches. Son pur parfum porte au loin, son port est majestueux. On peut l’admirer à distance, sans jamais pouvoir le profaner.
Pour moi, le chrysanthème est la fleur de l’ermite ; la pivoine, celle du noble et riche ; et le lotus, celle de l’homme de bien. L’amour pour le chrysanthème, peu nombreux sont ceux qui l’ont exprimé après Tao ; l’amour du lotus, est-il quelqu’un pour le partager avec moi ? Quant à l’amour de la pivoine, il est professé par le plus grand nombre de personnes.