Joli texte : Du Fu, Pluie propice d’une nuit de printemps

Le poème dont je traduis le titre par « Pluie propice d’une nuit de printemps » (《春夜喜雨》 chūnyè xǐyǔ) est un huitain en pentamètres (五言律诗 wǔyán lǜshī) célébrissime d’un poète également célébrissime de l’époque des Tang, Du Fu (杜甫 dù fǔ, 712-770). Ce poème fut composé au printemps de la deuxième année de l’ère shangyuan (上元 shàngyuán, 674-676) du règne de l’empereur Suxong des Tang (唐肃宗 táng sùzōng, 711-765, r. 756-762). Au moment de la composition de ce poème, Du Fu vivait au Sichuan. Il labourait la terre et cultivait des fleurs ; il était alors particulièrement sensible aux conditions météorologiques.
Voici le texte chinois de ce poème :
春夜喜雨
好雨知时节,当春乃发生。
随风潜入夜,润物细无声。
野径云俱黑,江船火独明。
晓看红湿处,花重锦官城。
Ce poème a été traduit en français (pour la première fois ?) par Hervey Saint Denys, à la page 92 de son recueil Poésies de l’époque des Thang, publié en 1862. (La version originale du recueil est disponible sur Gallica.) Voici sa traduction :

La pluie du printemps
Oh ! la bonne petite pluie qui sait si bien quand on a besoin d’elle !
Qui vient justement au printemps aider la vie nouvelle à se développer !
Elle a choisi la nuit, pour arriver doucement avec un vent propice ;
Elle a mouillé toutes choses, très finement et sans bruit.
Des nuages sombres planaient hier soir au-dessus du sentier qui mène à ma demeure ;
Les feux des barques du fleuve se montraient seuls dans l’obscurité comme des points lumineux.
Ce matin de fraîches couleurs éclatent au loin dans la campagne,
Et je vois, toutes chargées d’une humidité charmante, les belles fleurs dont les jardins impériaux sont brodés.

Une traduction en français de ces vers se trouve également dans l’excellentissime essai L’écriture poétique chinoise de François Cheng, publié aux éditions du Seuil en 1977, réédité en 1996.
François Cheng propose la traduction interprétée suivante :

Bonne pluie, une nuit de printemps
La bonne pluie tombe à la bonne saison
Amène le printemps, fait éclore la vie
Au gré du vent, se glissant dans la nuit
Silencieuse elle humecte toutes choses

Sentiers broussailleux noyés dans les nuages
Seul, sur le fleuve, le fanal d’une barque
L’aube éclaire le lieu rouge et trempé :
Fleurs alourdies sur Mandarin-en-pourpre !

Les deux traductions sont à peu près fidèles au texte, mais sont radicalement différentes. Ma préférence va à la traduction de François Cheng, plus concise et plus poétique. A vous de juger.
PS : Ma traduction du titre, « Pluie propice d’une nuit de printemps », s’appuie sur la définition du mot 喜雨 xǐyǔ donnée par le 《汉语词典》 : 庄稼非常需要雨水时下的雨, pluie qui tombe au moment où les cultures ont extrêmement besoin de pluie.

Ci-dessous, la calligraphie en cursive du poème de Du Fu, par le calligraphe contemporain Wang Hongxi (王洪锡 wáng hóngxī)  (l’image vient du site de vente de peintures et calligraphies 99Zihua, voir ici) :

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