Jinologie : Des lanternes rouges dans la Légende des Héros du Condor

Le fait a peut-être oublié aujourd’hui, mais les lupanars et autres maisons closes françaises étaient autrefois signalés par une lanterne rouge accrochée au-dessus de la porte d’entrée…
Dans le chapitre 23 de la Légende des Héros du Condor (大闹禁宫 « Charivari au palais impérial »), Guo Jing et Huang Rong suivent Wanyan Kang (Yang Kang) pour essayer de découvrir quelle vilenie il en train de fomenter. Ils le voient pénétrer dans un établissement interlope dont la porte d’entrée est ornée de grandes lanternes rouges appelées « lanternes fruit de gardénia » 栀子灯 zhīzǐdēng, placées près de l’entrée.
Le mot 栀子 zhīzǐ désigne en chinois une espèce végétale du genre Gardenia : G. jasminoides, connue en français sous le nom de « jasmin du Cap ». L’espèce est présente dans de nombreuses provinces de Chine, notamment dans le Sud et le Sud-Ouest, ainsi qu’à Taiwan, dans la péninsule indochinoise, en Inde, au Népal, au Pakistan… Ci-dessous, la fleur de Gardenia jasminoides, variété dite « à grande fleur » (大花栀子 [dàhuā zhīzǐ) (Source : KENPEI, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons) :

L’espèce est ornementale. La fleur est parfois utilisée pour parfumer le thé. En médecine chinoise traditionnelle, le fruit est utilisé pour réduire les chaleurs, refroidir le sang et détoxifier ; en usage externe, il aurait des vertus analgésiques.
L’image ci-dessous, ainsi que les informations concernant l’utilisation médicinale du jasmin du Cap, proviennent du site 乡间郎中, un site consacré à la médecine chinoise, ici :

Les lanternes « fruit de gardénia » sont apparues en Chine à l’époque des Song du Nord (960-1127). Elles indiquaient des lieux de plaisir, appelés à l’époque 瓦子 wǎzi. Il existait apparemment deux sortes de lanternes : les lanternes simples, qui ornaient les entrées de ce que l’on appellerait aujourd’hui des « bars à filles », i.e. des lieux dans lesquelles des jeunes filles accortes accompagnaient les clients ; les véritables lupanars comportaient quant à eux des lanternes fruits de gardénia coiffées de feuilles de bambou.
Une armature en tiges de bambou figurait les contours du fruit de gardénia, et des feuilles de papier rouge collées sur l’armature formaient la lanterne.
Dans le célèbre rouleau La Fête de Qingming au bord de la rivière (《清明上河图》 qīngmíng shànghétú), on peut trouver l’un de ces lieux de plaisir, signalé de part et d’autre de son entrée par deux lanternes fruit de gardénia :

J’ignore l’époque à laquelle fut instituée en France la coutume de signaler les maisons closes avec des lanternes rouges, mais j’aime à imaginer que cette coutume fut importée de Chine…

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