Jinologie : Introduction à L’Épée céleste et le Sabre du dragon

Je début ici une série de billets consacrés au roman L’Épée céleste et le Sabre du dragon (《倚天屠龙记》 [yǐtiān túlóng jì]), l’un des romans-phares du maître Jinyong.
L’Épée céleste et le Sabre du dragon est le troisième volet de la fameuse « trilogie du chasseur de condors » (射雕三部曲 [shèdiāo sānbùqǔ]). L’histoire se déroule près d’un siècle après le premier épisode de la trilogie, La Légende des héros du condor (《射雕英雄传》 [shèdiāo yīngxióngzhuàn]), qui se déroulait au moment où la dynastie des Song (960-1279) cède la place à la dynastie mongole des Yuan (1279-1364). Dans L’Épée, on se trouve donc au moment où les Han vont reprendre le contrôle de la Chine en mettant fin au règne mongol et en créant la dynastie des Ming (1368-1644).
Avant toute chose, une explication s’impose sur le titre de l’œuvre. 倚天 [yǐtiān], littéralement « s’appuyer sur le ciel » fait en réalité référence au nom d’une épée hors du commun, « l’épée qui permet de s’appuyer sur le ciel » : 倚天剑 [yǐtiānjiàn]. Cette épée est entre les mains de la grande prêtresse de l’école d’escrime du mont Emei (峨嵋派 [éméipài]) ; comme son nom l’indique, cette secte bouddhiste, dirigée exclusivement des nonnes, habite le mont Emei (峨眉山 [éméishān], aussi orthographié 峨嵋山 [éméishān]) (le mont Emei se trouve dans la province du Sichuan). L’école d’escrime du mont Emei a été créée par le fille cadette de Guo Jing (郭靖 [guō jìng], le personnage principal de la Légende), Guo Xiang (郭襄 [guō xiǎng]). Cette dernière avait été éperdument amoureuse de Yang Guo (杨过 [yáng guò]), le héros du deuxième volet de la trilogie, Les Amants chevaleresques du condor fabuleux (《神雕侠侣》 [shéndiāo xiálǚ]), mais Yang Guo nourrissait envers Demoiselle Dragon (小龙女 [xiǎolóngnǚ]) un amour exclusif, et Guo Xiang avait décidé de se retirer du monde en se faisant nonne, et de créer une école d’escrime.
L’expression 屠龙 [túlóng] renvoie quant à elle à un sabre légendaire, le « sabre à tuer le dragon » (屠龙刀 [túlóngdāo]). Ce sabre est l’objet de toutes les convoitises. Il contient en effet un secret qui, une fois découvert, permettrait au propriétaire du sabre de régner sans partage sur le monde des bretteurs. Ce secret est résumé dans une formule qui revient comme un leitmotiv tout au cours du récit : “武林至尊,宝刀屠龙,号令天下,莫敢不从!倚天不出,谁与争锋?” : « Parangon de la forêt des bretteurs, le sabre précieux tulong ; il commande à la terre entière, personne n’ose se soustraire à ses commandements ! Tant que l’épée yitian n’apparaît pas, rien ne peut s’opposer à lui ! » Cette formule sibylline est dans la tête de tous les maîtres des écoles martiales de Chine, mais personne n’arrive à la déchiffrer. Le secret incroyable du sabre à tuer le dragon n’est révélé qu’à la fin du roman. Je n’en dirai pas plus pour l’instant, de façon à préserver le suspense.
Les principaux personnages de L’Épée céleste et le Sabre du dragon sont les suivants :
Zhang Wuji (张无忌 [zhāng wújì]). Le père de Wuji est Zhang Cuishan (张翠山 [zhāng cuìshān]), l’un des sept disciples de Zhang Sanfeng (张三丰 [zhāng sānfēng]), maître fondateur de l’école Wudang (武当派 [wǔdāngpài]). Sa mère est Yin Susu (殷素素 [yīn sùsù], fille de l’un des quatre grands maîtres de la branche chinoise du manichéisme (明教 [míngjiào]). Son parrain n’est autre qu’un autre grand maître de cette secte, Xie Xun (谢逊 [xiè xùn]), surnommé « le roi lion à la crinière d’or » (金毛狮王 [jīnmáo shīwáng]). Zhang Wuji devient le trente-quatrième patriarche du manichéisme en Chine. Il est expert en arts martiaux, et sa force interne (内力 [nèilì] ou 内功 [nèigōng]) est inégalable ; la seule personne qui le surpasse en ce domaine est le grand maître Zhang Sanfeng. Wuji est également un expert dans le domaine des sciences médicales.
Le rôle principal féminin du récit est personnifié par Zhao Min (赵敏 [zhào mín]). Zhao Min est en réalité le nom chinois que s’est choisi Minmin Temür, princesse (mongole) de Shaomin, fille de Chaghan Temür (察罕帖木儿 [cháhǎn tiēmù’ěr]), l’un des principaux généraux de l’armée mongole. Zhao Min est amoureuse de Zhang Wuji, qui a du mal à reconnaître les sentiments qu’il éprouve pour elle car la jeune fille est mongole, et est de ce fait ennemie jurée des Chinois Han qui veulent se débarrasser de la dynastie des barbares. Zhao Min se distingue par une beauté exceptionnelle et une intelligence hors du commun.
Un deuxième personnage féminin joue un rôle essentiel dans le roman : Zhou Zhiruo (周芷若 [zhōu zhǐruò]). Orphelin d’un pêcheur, elle est recueillie par la grand prêtresse Miejue (灭绝师太 [mièjué shītài]), qui dirige l’école Emei. Elle est d’une beauté irréelle et elle doit épouser Zhang Wuji, mais avant que la cérémonie de mariage ne puisse être menée à son terme, Zhao Min intervient pour empêcher cette union.
Parmi les personnages qui gravitent autour de Zhang Wuji se trouve encore Yin Li (殷离 [yīn lí]), qui n’est autre que la cousine utérine de Zhang Wuji. Elle est la fille de Yin Yewang (殷野王 [yīn yěwáng]), qui occupe un rang élevé dans la secte de l’Aigle céleste (天鹰教 [tiānyīngjiào]), qui est une émanation de l’école chinoise du manichéisme. Après avoir tué sa marâtre, Yin Li s’échappe et trouve refuge auprès de la « Vieille à la fleur d’or » (金花婆婆 [jīnhuá pópó]), experte dans le maniement des poisons. Yin Li elle aussi aurait dû se marier avec Zhang Wuji.
Enfin, la petite Zhao (小昭 [xiǎozhāo]), dont les parents étaient des membres proéminents du manichéisme chinois, joue un rôle non négligeable dans l’intrigue. Elle finit par rentrer dans la patrie d’origine du manichéisme, la Perse, pour y prendre la tête de la religion et succéder en cela à la position qu’occupait sa mère.
L’Épée céleste et le Sabre du dragon est l’un des plus populaires romans de Jinyong. Il a été adapté à de nombreuses reprises au cinéma et à la télévision. À partir du prochain billet de jinologie, je proposerai le résumé de cette œuvre romanesque.
Ci-dessous, le sabre à tuer le dragon, tenu par Xie Xun (interprété par Felix Lok 骆应钧 [luò yīngjùn]) dans la série en 42 épisodes adaptée par le metteur en scène et producteur hongkongais Chong Wai-kin (庄韦健 [zhuāng wéijiàn]), diffusée pour la première fois en 2001. (La photo vient d’ici.)

Cet article, publié dans Jinologie, est tagué , , , , , , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

2 commentaires pour Jinologie : Introduction à L’Épée céleste et le Sabre du dragon

  1. L1645657 dit :

    Ce 倚 là est plutôt au troisième ton non ? C’est celui-ci qui est au premier il me semble : 依.
    Les deux sont de sens proches toutefois…

Laisser un commentaire