Bibliographie : Souvenirs de la hutte aux prunus ombragés, Mao Xiang

Cherchant dans ma bibliothèque à Suzhou un peu de lecture classique, je trouvai une édition des Six récits d’une vie fugitive (《浮生六记》 [fúshēng liùjì]) de Shen Fu (沈复 [shěn fù]), petit récit autographique en prose de l’époque des Ming, que j’ai lu il y a une dizaine d’années et qui m’avait procuré beaucoup de plaisir. J’avais à l’époque lu une autre édition, et j’ai découvert en ouvrage ce petit livre qu’en plus du récit de Shen Fu, les éditeurs avaient inséré trois autres courts récits composés approximativement à la même époque, et traitant du même sujet : l’amour.
C’est ainsi que j’ai découvert Mao Xiang (冒襄 [mào xiāng]), et le texte qu’il composa en l’honneur de sa concubine décédée : Souvenirs de la hutte aux prunus ombragés (《影梅庵忆语》 [yǐngméi’ān yìyǔ]).
Mao Xiang (1611-1693) n’est pas très connu des non-spécialistes, ce n’est pourtant pas n’importe qui. Originaire de Rugao (如皋 [rúgāo]), dans la province du Jiangsu, il est issu d’une famille de grands lettrés. Il est connu pour ses poèmes, ses textes de prose, sa peinture et sa calligraphie. Pour en savoir plus sur Mao Xiang, je vous invite à lire l’article qui lui est consacré sur Baidu.
Dans les Souvenirs qui nous intéressent ici, il fait l’éloge de sa concubine, qui mourut, probablement de maladie (des récits plus ou moins légendaires courent quant à la destinée de cette jeune femme), après seulement sept ans de vie commune. Mao Xiang ne parle pas de la mort de son aimée.
Ladite concubine n’est pas n’importe qui non plus, puisqu’il s’agit de Dong Xiaowan (董小宛 [dǒng xiǎowǎn]), dont la beauté, l’intelligence et la culture sont restés célèbres. Dong Xiaowan (1624-1651) était une courtisane ; elle était l’une des « huit beautés de Nankin » (秦淮八艳 [qínhuái bāyàn] ; 秦淮 [qínhuái] est le nom d’une rivière qui traverse Nankin 南京 [nánjīng]). Dans son texte, Mao Xiang loue, plus que sa beauté, son intelligence, son talent littéraire, ses capacités à tenir une maisonnée et à s’entendre à merveille avec l’épouse principale et les parents du jeune homme. Voir ici l’article que Baidu consacre à Dong Xiaowan.
Dans ses Souvernis, Mao Xiang raconte sa rencontre avec Dong Xiaowan, ainsi que les moments privilégiés qu’il a passés avec elle. Il parle également des désordres innombrables qui ont secoué la Chine, et notamment la région du Jiangnan, à cette époque charnière (le dernier empereur de la dynastie des Ming, Sizong 思宗 [sīzōng], se suicide en 1644, lorsque Li Zicheng 李自成 [lǐ zìchéng] prend Pékin). Il raconte les difficultés qu’il y avait à l’époque à se déplacer en sécurité, et simplement à se nourrir. Il parle aussi de poésie, de littérature, de thé.
Le texte n’est pas très long (à peine une trentaine de pages, notes comprises), mais il est écrit en chinois classique. Les allusions littéraires et historiques émaillent le texte, et l’appareil de notes est indispensable pour comprendre ce qu’écrit l’auteur. La lecture « dans le texte » n’est donc pas à la portée du premier sinologue novice venu, et je n’ai malheureusement pas trouvé de traces de traduction en anglais, ni a fortiori en français.
Post scriptum du 3 juillet 2014 : J’ai découvert il y a quelques jours que ce texte avait été traduit en français par Martine Vallette-Hémery et publié chez Picquier en 1997 sous le titre de La Dame aux pruniers ombreux.

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